Peintures

Collisions de graphèmes.

Structure de pleins et de vides.

Obsession de la profondeur.

Creuser l’espace, tailler la lumière.

Luminescence et néant.

 

Mes peintures ne sont pas des représentations purement abstraites illustrant les diverses dichotomies du monde, elles appartiennent avant tout à une exploration plastique du non-vu par la peinture, de l’univers.

Ma technique est proche de la calligraphie et de l’action painting, dans le sens où elle détruit la forme pour libérer le temps, bien que les moyens pour y parvenir soient différents. Dans mon travail, l’expression du temps ne se déploie pas dans l’énergie du geste mais dans la répétition du même graphème. J’utilise le fil d’une lame de rasoir en frôlant la matière de ma palette et, par impact sur la surface, laisse une trace de matière.

A chaque impact, la matière conserve la forme d’une contrainte mécanique, extirpée à la gravité. Cette forme est, de profil, un triangle, négatif du fil, du tranchant de la lame.

Graphème tridimensionnel, il accroche la lumière, projette son ombre. Il réclame profusion et espace pour se déployer, se multipliant en particules, en “photons” dont l’union engendre lumière et image. Ces schèmes picturaux se revendiquent comme éléments temporels par projection, dévoilant profondeur, vitesse, lumière et néant.

De mes expérimentations picturales, en est ressorti le fait qu’une trace laissée par le fil du rasoir s’avère être une forme sculpturale à part entière, une demi-bosse, un bas-relief microscopiques. En effet, l’impression changeante du relief due à l’inconstance de la lumière ne  fait qu’affirmer le pouvoir écliptique (jeu d’ombre et de lumière) de ces traces de matière.

Elles s’érigent tels de minuscules gnomons pointant tous azimuts.

 

Au hasard d’un flash photographique, apparaissent des “triangles d’or”, où par extension schématique, la lumière et la matière s’unissent dans un triangle d’argent.

Coupe d’une trace de peinture laissée par l’impact du fil de la lame de rasoir. Les droites à gauche du triangle représentent différentes ombres portées révélées selon la position du point lumineux (qui se situe dans l’angle ACB dans le triangle d’argent).

 

Abraham, (acrylique sur toile, 3 (120x30cm), 2007

Abraham est une suite, une séquence picturale, délimitant les rapports dichotomiques du plan et de la profondeur, de l’espace et du temps, de la matière et du vide. La planéité de la peinture impose des contrastes chromatiques afin de projeter l’espace et le temps. C’est en expérimentant ces contrastes chromatiques, afin de créer une peinture ouverte sur la profondeur, que j’ai déplacé le problème de l’espace et du temps vers la sculpture. La sculpture est un médium situé à la jonction de l’immobilité et du mouvement, immobilité régie par sa masse et sa matière inerte, et, le mouvement exprimé par l’énergie déployée de cette masse. J’ai donc créé une structure à la frontière de la peinture et de la sculpture reposant sur les rapports vide-plein, temps-immobilité, horizon-vision où “ce qui occupe l’espace forme à chaque instant la limite entre un dehors et un dedans. Mais le dedans n’est proprement qu’un dehors reculant plus loin” (in Qu’est-ce qu’une chose? Martin Heidegger). Ainsi naquit le Monyalos.